Portrait de Guillaume Villatte

Dr Villatte CHU clermont ferrand

Dr Villatte : chirurgien orthopédiste spécialiste de l’épaule


Après des études de médecine au Centre Hospitalier Universitaire –CHU- de Limoges (87), Guillaume Villatte rejoint Clermont-Ferrand (63) en 2011. Il est alors interne en orthopédie générale orientée vers les membres inférieurs. A la fin de son internat, il réalise un stage inter-CHU au sein de l’hôpital Ambroise Paré, à Boulogne-Billancourt (APHP), auprès des Professeur Hardy et Bauer. A ses débuts, il hésitait entre une spécialisation en chirurgie de l’épaule, du pied ou en chirurgie infectieuse. Mais ces segments n’étaient pas les thèmes de prédilection dans le service où il se trouvait. Il poursuit donc son cursus avec une année de mobilité universitaire, à l’Imperial College de Londres (Royaume-Uni) auprès du Professeur Roger Emery pour compléter sa formation de chirurgien orthopédiste et se spécialiser, également, dans les pathologies du sportif, type luxations, et les lésions dégénératives (coiffe des rotateurs et arthrose par exemple).
Depuis 2014, le Docteur Villate a réintégré le CHU de Clermont-Ferrand pour prendre part au projet à long terme du service orthopédique, qui le séduit. Il est l’un des quatre chirurgiens orthopédistes et praticiens dans le service dirigé par le Professeur Boisgard, où il développe cette spécialisation de l’épaule souvent associée au coude. Aujourd’hui, 90% de son activité se concentre sur ces pathologies.


Le choix d’exercer dans un établissement public

Après sa formation, Guillaume Villate s’était tout naturellement orienté vers les établissements publics. « Avec des parents dans le domaine médical, j’ai évolué avec une vision prioritaire de l’hôpital, même si certains de mes proches exercent dans le privé. En tant que pur produit du système public, je me suis spontanément tourné vers les CHU, dès mes premières expériences, puis porté par les opportunités qui se sont présentées ».
Lorsque le Professeur Boisgard lui a proposé d’intégrer son service, Guillaume Villatte a perçu que ce serait le lieu où il pourrait exercer au mieux sa spécialisation, voire même une hyperspécialisation. « Cela m’a offert la chance de pouvoir toucher du doigt la recherche et l’enseignement. Je ne voulais pas m’ennuyer ni avoir un quotidien répétitif. Ici, il m’est possible de garder l’esprit ouvert et rester touche-à-tout. Mon activité de spécialiste est conjuguée à d’autres disciplines. Notamment en tant que membre de sociétés savantes et directeur médical associé de l’Ostéobanque » précise-t-il. Un argument supplémentaire convaincant 🙂

Son rôle au sein de l’Ostéobanque

C’est durant son internat au CHU de Clermont-Ferrand, que Guillaume Villatte avait eu connaissance de l’activité de l’Ostéobanque. Dont l’action était localisée uniquement, à l’époque, autour des os et têtes fémorales. Encouragée par ses fondateurs, l’association s’inscrivait pourtant déjà dans la construction historique des Banques de Tissus.
En 2013, un changement d’orientation s’opère au sein de l’Ostéobanque. La direction souhaite se diriger vers des tissus massifs -dits osseux et mous-, ligamentaires et méniscaux, engageant ainsi une mutation complète de la façon d’appréhender cette Banque de Tissus. Les greffes de l’appareil locomoteur, en France, étaient alors ultra dominées par les petits fragments osseux. Ces fragments étaient issus de têtes fémorales prélevées sur des donneurs vivants ayant subi une prothèse totale de hanche.

L’Ostéobanque va dès lors franchir un pas fondateur vers une toute autre sphère : celle du don d’organe au sens large et, notamment, avec des donneurs en instance de décès. « L’éthique change, tout comme le contexte. Les capacités des tissus vont être différentes, tant en volume qu’en qualité ou diversité. On a même presque changé de domaine en proposant beaucoup plus de solutions à nos chirurgiens utilisateurs. Notre mission va au-delà du prélèvement » résume le Docteur Villatte.

Et maintenant ?

Aujourd’hui, l’Ostéobanque évolue dans un domaine de pointe dans lequel les exigences règlementaires sont à leur paroxysme. « Nous sommes, de fait, leaders sur ce sujet, car personne n’a cette capacité, voire cette volonté, à développer le projet à l’échelle nationale. Historiquement, il arrivait à certains CHU de prélever des tissus lors un Don d’Organes, pour une greffe sur un autre patient du centre. C’était généralement géré par leur Etablissement Français du Sang Français de référence ». L’EFS dispose, en effet, d’un droit de gérance sur les tissus de l’appareil locomoteur. Mais n’a aucune vocation à les distribuer. Ce point est fondamental pour Guillaume Villatte car « parfois, les centres prélevaient mais ne les utilisaient pas par la suite. Par conséquent, le service n’était pas optimisé ».


L’équipe de l’Ostéobanque a su déployer cette vision. Puis, développer une structure ad hoc qui œuvre, désormais, à l’échelle nationale, tout en assurant un contrôle permanent, du prélèvement à l’implantation. L’association garantit également une qualification de l’ensemble des tissus prélevés, dans le respect des Bonnes Pratiques, avec rapidité. Et le praticien insiste : « Aujourd’hui, nous réalisons des prélèvements dans d’autres centres partenaires et, surtout, nous distribuons partout en France. Notre ambition est de devenir un point central pour la distribution ou redistribution des tissus ».


Une association de chirurgiens orthopédistes bénévoles

« Notre association est constituée d’une équipe mobile et d’une garde continue de chirurgiens formés aux prélèvements d’organes ». Pour cela, l’Ostéobanque ne limite pas son action au bassin auvergnat. Les chirurgiens bénévoles se rendent dans des centres partenaires, dans un rayon de 250 km environ. Une gageure pour l’association : « A l’avenir, des centres distants pourront réaliser leurs propres prélèvements, puis adresser les tissus à la Banque de tissus qui prendra le relais sur les volets administratif et de distribution. Cette phase est en cours de déploiement avec le CHU de Toulouse (31), notamment ».
L’Osteobanque a aussi vocation à standardiser les méthodes. Pour ce faire, la direction médicale, composée de chirurgiens orthopédistes, a créé et diffusé des bases communes. Le Docteur Roger Erivan a publié, dans Revue de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique, la technique de reconstruction d’un corps après prélèvement. Vous pouvez retrouver cet article ici. Cette publication valide la recevabilité auprès du monde scientifique, mais, surtout, entérine le statut de précurseur de l’Ostéobanque. « Nous considérons cet écrit comme une véritable note technique du prélèvement et de la reconstruction des membres inférieurs pour les chirurgiens qui voudraient devenir préleveurs » exprime Guillaume Villatte.


Chirurgie orthopédique : déroulement d’un prélèvement


« C’est une vraie opération ! Le chirurgien arrive souvent, d’un point de vue pratique, à la fin du processus de prélèvement multi-organes. C’est-à-dire que tous les tissus nobles vascularisés (cœur, poumons…) sont déjà prélevés, parce qu’ils sont prioritaires en termes de dégradation ».
Pour les tissus, le critère temps est moins prégnant et il est possible de prélever après plusieurs heures. Il s’agit d’une véritable étape technique. Prélever les tissus de façon correcte, sans les abimer, et les rendre le plus facilement utilisables pour le chirurgien, demande une vraie technicité. Cette tâche est relativement complexe et dure plusieurs heures.
Le Docteur Villatte souligne combien la technique est importante, « en particulier pour la reconstruction du corps parce qu’on va être, en quelque sorte, délabrant, quand on enlève la structure osseuse ». Chaque chirurgien cherche à rendre à la famille un corps qui sera le plus proche de la normale. Si l’objectif de la greffe est de permettre aux patients receveurs de gagner en mobilité grâce au don, les chirurgiens ne négligent pour autant pas le patient décédé. Au contraire, ils accordent un soin infini et un grand respect à l’intégrité du patient donneur tout comme à ses proches, en écho au geste solidaire et altruiste profond rendu possible.


Douleurs et pathologies variées : dans quel cas envisage-t-on une allogreffe ?


Auparavant, les autogreffes étaient standardisées ; une pratique plus invasive, consistant à greffer des tissus prélevés ailleurs sur le corps du patient. « Même si l’on essaie de les prendre dans des zones sans conséquence, cela en a toujours. Notamment dans les premières semaines post-opératoires. Le patient va avoir des douleurs, va moins bien récupérer fonctionnellement (ou moins vite) ». Il n’est donc pas négligeable de prendre un tissu à un patient.


Pour Guillaume Villatte, c’est une évidence : « Lorsqu’un patient consulte et que se pose la question d’une greffe, j’envisage l’allogreffe comme première intention. Naturellement, j’ai beaucoup pratiqué avec cette technique ; cela me semble donc intrinsèque à la réflexion et au diagnostic. Pour autant, j’expose systématiquement le cadre de l’autogreffe et celui de l’allogreffe ».

Une allogreffe est relativement facile d’utilisation, sans avoir de conséquences négatives sur le long terme pour le patient. Le patient n’aura pas de conséquences d’un autre signe de prélèvement ou d’une autre zone opératoire. « En termes de résultats, dans la majorité des cas, nous sommes extrêmement proches d’un tissu qui était le sien. A ce jour, je ne connais aucun cas pour lequel le patient aurait refusé l’allogreffe. Je passe le temps nécessaire pour détailler le procédé de cette opération, en rappelant qu’il s’agit d’un don d’organe. Et, autre différence notable pour les tissus : il n’y a pas de médicaments à prendre pour ne pas rejeter le tissu ». Mais le praticien apporte toutefois une dernière nuance : « La science sur les allogreffes n’est pas encore formelle. Des points se discutent comme la qualité du tissu, la situation dans laquelle l’on se trouve… ».


L’allogreffe, technique salvatrice de réparation dans la chirurgie du sportif


Le monde sportif est le meilleur exemple illustrant la pertinence de l’allogreffe. Un joueur de foot à qui l’on va prendre des muscles participant aux mouvements (taper dans le ballon), va moins bien récupérer car il aura subi une double intervention. Evidemment, il va finir par récupérer, mais moins vite, moins bien et, parfois, avec un difficile rappel quotidien.
L’allogreffe représente une solution moins douloureuse, avec moins de risques. C’est une technique bien maitrisée, en plein développement. Très répandue aujourd’hui, en particulier pour les sportifs, ce ne sont pourtant pas les premiers cas. Les allogreffes osseuses sont utilisées depuis des décennies, notamment dans des contextes de grandes reconstructions osseuses, sur des tumeurs par exemple. Pour expliquer cette montée en puissance, le Docteur Villate aborde la notion de médiatisation. « Aujourd’hui, le sportif de haut-niveau est touché et relativement sensibilisé. D’autant plus dans certains pays européens ou encore aux Etats-Unis, où la norme est d’utiliser des allogreffes. En France, parmi les chirurgiens de renommée qui accompagnent de nombreux sportifs, beaucoup font appel à l’Ostéobanque pour se fournir en greffons. Dans le monde de la chirurgie du sportif, c’est désormais une évidence d’utiliser des allogreffes ».

Le besoin croissant face à la pénurie de greffons


Il existe un réel questionnement sur la rareté des dons et, de manière induite, le manque de greffons. Parmi les tissus les plus complexes, les ménisques se classent en tête. Ce sont des tissus relativement fragiles qui se détériorent avec le temps. C’est probablement le tissu mou le plus sensible en termes de correspondance entre les patients. De plus, il est difficile d’obtenir des ménisques en excellent état, lors des prélèvements. Alors que ces greffons s’adressent à des patients qui nécessitent, justement, un nouveau tissu d’une qualité optimale. Il n’est pas envisageable de proposer, par exemple, le ménisque abimé d’un patient de 80 ans pour un patient de 20 ans nécessitant un ménisque fonctionnel. Après 50 ans, les ménisques sont souvent déjà un peu abimés, donc très difficiles à utiliser. Cela limite considérablement le nombre de tissus potentiels à prélever. Si la variété des tissus disponibles est variable d’un centre à un autre, ces critères justifient le manque crucial de stocks de ménisque en France. Pour un ligament, par contre, les correspondances peuvent être plus souples, selon les cas.

Le don de tissus, encore méconnu malgré l’action des chirurgiens orthopédiques

Pour aborder le sujet délicat du Don Humain, chaque équipe de prélèvement d’organes a sa propre méthodologie, toujours dans le respect des Bonnes Pratiques de Banques de Tissus. En toute transparence et avec bienveillance, les échanges avec la famille sont une étape clef pour valider la volonté du donneur. Selon la perception des proches, les professionnels de santé peuvent parler de « prélèvement de tissus de l’appareil locomoteur ». D’autres, vont vouloir connaître le détail des tissus et leurs utilisations. Les équipes s’adaptent à chaque cas, dans l’écoute, l’empathie et la dignité.
Il est vrai qu’aujourd’hui, les dons de tissus sont bien moins reconnus par rapport aux dons d’organes. De façon empirique, le formulaire questionne d’abord pour les tissus dits nobles ; vient ensuite l’appareil locomoteur. Cette position finale représente une étape encore plus difficile pour les proches. La fonction de l’organe est importante dans la conscience collective, mais sa représentation, au sein de chaque culture, l’est tout autant. Les modes de vie tiennent de surcroît un rôle prédominant pour certains tissus. L’appareil locomoteur n’est globalement pas sujet à des croyances de ce type et les publics sollicités ne sont souvent pas réticents.


Le Dr Vilatte est membre de la Société française d’Orthopédie (Sofcot), d’Arthroscopie (SFA) et d’Épaule et Coude (Sofec).

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